publié à 11h30
Longtemps reléguée au second plan du système de santé français, la santé mentale s’impose désormais comme un sujet incontournable. Entre augmentation des troubles psychiques, manque criant de moyens et persistance des tabous, l’état de la santé mentale en France soulève des inquiétudes croissantes parmi les professionnels comme les citoyens.
Selon les données de Santé publique France, près d’un Français sur cinq souffrira d’un trouble psychique au cours de sa vie. Dépression, troubles anxieux, burn-out, bipolarité ou encore schizophrénie : la diversité et la gravité des pathologies concernées contrastent avec la faiblesse des réponses apportées.
Depuis la crise du Covid-19, la détresse psychologique s’est aggravée, notamment chez les jeunes. En 2023, 40 % des 18-24 ans déclaraient avoir ressenti un mal-être important, un chiffre en nette hausse par rapport à 2019. L’inflation, la précarité et la surcharge de travail sont également identifiées comme des facteurs aggravants.
Malgré cette situation, les moyens restent insuffisants. La France manque cruellement de psychiatres : on en compte aujourd’hui environ 13 000, mais les départs à la retraite non remplacés pèsent lourdement sur la prise en charge. Les délais d’attente peuvent atteindre plusieurs mois, et les consultations sont souvent coûteuses pour ceux qui n’ont pas accès à des structures publiques.
Les Centres Médico-Psychologiques (CMP), censés offrir un accès gratuit à des soins spécialisés, sont saturés et peinent à répondre à la demande. Quant aux urgences psychiatriques, elles sont souvent surchargées et peu adaptées à la prise en charge humaine des patients.
Malgré les obstacles, la parole sur la santé mentale tend à se libérer, portée par des campagnes de sensibilisation, le témoignage de personnalités publiques et l’essor des réseaux sociaux. Toutefois, la stigmatisation reste un frein majeur : 52 % des Français déclarent encore avoir une image négative des personnes souffrant de troubles mentaux, selon une enquête IPSOS.
Le gouvernement a lancé plusieurs initiatives, dont le remboursement des consultations de psychologues via le dispositif « Mon Psy ». Mais ce programme est critiqué pour ses critères d’accès restrictifs et la rémunération jugée insuffisante par les professionnels.
Pour les acteurs de terrain, la priorité est claire : « Il faut investir massivement dans la prévention, l’éducation à la santé mentale et la formation des professionnels », martèle le Dr Élise Martin, psychiatre à Marseille.
Alors que les besoins explosent, la santé mentale ne peut plus rester le parent pauvre de la médecine. Si la France veut relever ce défi, elle devra sortir de la logique d’urgence pour construire une politique de santé mentale ambitieuse, humaine et accessible à tous.

Laisser un commentaire