Niveau scolaire en France : un diagnostic préoccupant, mais des causes encore floues

Publié à 11h

Alors que les comparaisons internationales se multiplient et affinent année après année leur capacité à mesurer les compétences des élèves, une question s’impose : le niveau scolaire des jeunes Français baisse-t-il réellement ? Une vaste note d’analyse publiée par le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan apporte des éléments solides… et quelques inquiétudes.

Selon les données mobilisées — issus notamment de TIMSS, PIRLS, PISA ou encore des évaluations nationales LEC et CEDRE — les performances des élèves français en mathématiques se sont dégradées de manière spectaculaire depuis trente ans.
Les élèves entrant aujourd’hui en CM2 ou en quatrième affichent un niveau nettement inférieur à celui des générations précédentes. En CM2, la baisse atteint même 1,2 écart-type entre les années 1970 et 2000, un effondrement rarement observé dans les pays comparables.

En comparaison internationale, la situation est tout aussi préoccupante :

  • en mathématiques, les élèves français de CM1 figurent parmi les derniers de l’OCDE,
  • en sciences, l’écart reste également marqué,
  • en lecture, les performances ne permettent pas de compenser le retard, même si la tendance y est plus fluctuante.

Contrairement à certaines idées reçues, la faiblesse des résultats ne concerne pas uniquement les enfants de milieux défavorisés ou les élèves en difficulté.
La baisse est générale :

  • elle touche autant les élèves issus de familles favorisées que modestes,
  • autant les très bons élèves que les plus faibles,
  • autant les filles que les garçons, même si l’écart filles/garçons en mathématiques a récemment augmenté.

L’un des constats les plus frappants : seuls 3 % des élèves français atteignent le niveau « avancé » en mathématiques en CM1, contre 9 % en moyenne dans l’Union européenne.

Curieusement, cette baisse de niveau au primaire et au collège ne semble pas avoir dégradé les compétences des adultes, selon les données PIAAC (évaluations internationales des compétences des adultes).
Les jeunes générations ne font pas moins bien que les précédentes en numératie, malgré la chute observée dans le secondaire.

Autre surprise : aucune désaffection n’est observée pour les filières scientifiques. Les effectifs dans les écoles d’ingénieurs ou les universités scientifiques augmentent même de manière significative depuis 10 ans.

Mais ces éléments rassurants ne suffisent pas à dissiper les inquiétudes du Haut-commissariat :

  • les compétences des adultes restent modestes en comparaison internationale,
  • il faut aujourd’hui davantage d’années d’études pour atteindre un même niveau de compétences, ce qui représente un coût pour la société,
  • cette lenteur d’acquisition constitue potentiellement un frein pour la croissance, l’innovation et la compétitivité.

La note refuse les explications simplistes. Elle propose plutôt un ensemble d’hypothèses, qu’elle invite à explorer rigoureusement.

Parmi les pistes évoquées :

1. Des conditions d’apprentissage modifiées

  • exposition précoce et non supervisée aux écrans,
  • problèmes croissants d’attention,
  • climat scolaire dégradé, baisse du respect de l’autorité.

2. Le profil et la formation des enseignants

  • difficultés de recrutement, surtout en mathématiques,
  • niveau scientifique parfois insuffisant au primaire,
  • formation initiale jugée peu adaptée, très théorique et peu professionnalisante,
  • manque de formation continue.

3. Les méthodes pédagogiques

  • débats persistants entre pédagogies explicites, constructivistes, méthodes syllabiques ou globales,
  • difficulté à individualiser l’enseignement,
  • travail collaboratif insuffisant entre enseignants.

4. Les programmes scolaires

  • instabilité excessive,
  • attentes peu claires,
  • insuffisante place accordée aux fondamentaux.

5. L’organisation de l’école française

  • rythme scolaire atypique en Europe (journées longues, semaines courtes),
  • classes souvent chargées,
  • ségrégation scolaire et sociale croissante malgré la carte scolaire.

Malgré un ensemble d’indicateurs concordants, les raisons exactes du décrochage scolaire restent difficiles à isoler.
Les comparaisons internationales montrent que les mêmes pratiques peuvent produire des effets différents selon les pays, les publics, ou les niveaux scolaires.

Le Haut-commissariat appelle donc à des recherches plus poussées, à la fois quantitatives et qualitatives, pour éclairer les choix de politique éducative. Une démarche urgente, alors que les besoins en compétences augmentent et que la France ambitionne d’accélérer sa transition industrielle, numérique et écologique.

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